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© Frédéric Houvert, 2023

Théo Massoulier

Job control
Galerie Tator, Lyon

15 septembre - 10 novembre 2023

Job control

Théo Massoulier puise son inspiration dans un registre archaïque et futuriste. Ses œuvres se composent d’éléments technologiques, rebuts et déchets assemblés. L’agencement des sculptures hybrides révèle à la fois un caractère naturel et artificiel. Souvent, une lumière rasante quasi fluorescente découpe les contours de fragments d’éponges ou de coraux électrisés. Ils accompagnent des morceaux de plastique ou grilles métalliques qui rappellent les cartes mémoires, les connecteurs et les microprocesseurs. Ces composants physiques constituent le squelette de nos ordinateurs, ils permettent la communication entre différents éléments. Théo Massoulier forge une symbiose entre des ingrédients que tout semble opposer, il sème le doute sur leur origine. Ses objets mutants suscitent à la fois le trouble, l’inquiétude, la fascination et le rêve. L’artiste nous immerge dans la fiction d’un futur probable où les océans cracheront bientôt ces détritus étranges.

À la Galerie Tator, l’exposition Job control catalyse un moment charnière de la trajectoire de Théo Massoulier : les assemblages miniaturisés quittent les écrins lumineux ou les socles pour côtoyer les murs. Entre bas-relief et marqueterie, ils deviennent les motifs de peintures métissées. Le titre de l’exposition fait référence au logiciel laser JobControl qui permet de découper le plexiglas. Une résidence de huit mois au sein de l’entreprise Ducaroy-Grange permet à l’artiste de faire l’expérience de la peinture aérographe et de la découpe laser. À la découverte du logiciel dont la machinerie démultiplie les capacités humaines pour aller vers plus de vitesse, de précision, d’efficacité, il traverse un choc esthétique. Sous la forme d’une croix, une tête de laser se déplace via des axes rectilignes à la surface du plexiglas. Cette technologie fascine Théo Massoulier car elle optimise l’espace sous une forme quadrillée : « les déplacements de la tête laser m'ont fait penser au processus de robotisation à plus large échelle. De cette observation d'une machine déjà bien répandue, la découpeuse laser, est née une pensée sur l'esthétique de la robotisation. Les automates ou robots industriels sont contraint dans leurs déplacements par la géométrie décidée par l'ingénieur. Mais la relation est à double sens puisque la machine contraint l'humain à certaines utilisations, elle canalise des possibilités. Ce va-et-vient créée ce que les biologistes de la complexité appellent une co-évolution. En voyant l'action de la tête laser, j'ai vu la co-évolution. ».

Pour l’exposition, il rassemble différentes représentations comme la structure du virus de la peste ou d’un être unicellulaire qui éclate. On observe des membranes, des frontières, des capteurs. Chaque « sensor plug » aimanté fonctionne en binôme avec le fond des peintures. Ils sont interchangeables, voués à permuter d’une surface à l’autre. Théo Massoulier réfléchit à l’activation de la peinture. Il s’intéresse au mouvement néo-géo qui émerge dans les années 1980 aux États-Unis. Les artistes ont alors mixé les codes de la peinture à ceux des signalétiques urbaines, révélant une analyse de l’industrialisation et de la marchandisation du monde. Théo Massoulier détache à son tour les signes du fond de l’image. Il use de matériaux synthétiques, comme Peter Halley qui défendait l’idée que les représentations géométriques ne sont pas nécessairement abstraites ou éloignées de la réalité. L’artiste nous éclaire : « Peter Halley a réussi à forger une métaphore de la figure du diagramme, qui est une schématisation visuelle d'une complexité systémique (à l’échelle de l'organisation managériale d'une entreprise ou à l'échelle planétaire, par exemple les diagrammes du rapport du GIEC* sur l’Anthropocène). C'est une manière d’appréhender des phénomènes complexes par une représentation imagée simple. La peinture d'Halley engage la réflexion autour des notions d'automatisation. Elle interroge aussi les notions de circulation des êtres, des objets, des fluides et d'interdépendance ou d’enfermement. ».

Théo Massoulier colle les pièces en métal extirpées des vidéo-projecteurs ou des ordinateurs démembrés. Il y assemble des plaques de verre dichroïque, capables de séparer un faisceau lumineux en deux reflets colorés distincts. Les fonds sont peints au pistolet, selon un pointillisme qu’il qualifie de « millimétrique ». Aujourd’hui, les dérives néolibérales des années 1980 se sont radicalisées et institutionnalisées. Les œuvres de l’exposition mêlent corps mécaniques et humains : la modélisation d’une maladie épidémique, contagieuse et mortelle fait écho aux épreuves qui ont récemment traversé nos vies avec fracas. Omniprésente jusqu’alors dans sa démarche, l’esthétique organique s’amoindrit progressivement. La série présentée à la Galerie Tator est plus minimale et électronique. Elle travaille en profondeur les dichotomies entre microcosme et macrocosme, ressource et déchet. Job contro
l s’imprègne aussi d’inspirations récentes comme la peinture de Dan Walsh qui revêt un caractère mécanique, à la lisière de l’atmosphère psychédélique.

Élise Girardot, août 2023

* Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est un organisme intergouvernemental chargé d'évaluer l'ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique.
 

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