top of page
GS-2021-Expos-Laurent-Proux-Moffat-Takadiwa-023.jpg

Moffat Takadiwa
Collection Frac Alsace
[NOTICE ŒUVRE]

Fast Track Land Reform(a)
2020
Bouchons de bouteille en plastique,
têtes de brosse à dents en plastique
226 x 236 x 8cm



Moffat Takadiwa est né trois ans après l’indépendance du Zimbabwe en 1980. Il se forme à l’École des arts appliqués de Bingerville en Côte d’Ivoire. De retour chez lui, il s’installe à Harare, dans le quartier de Mbare, qui regorge de déchetteries et centres de recyclage. En 2024, l’artiste représente son pays à la 60e Biennale de Venise. Il bénéficie de plusieurs expositions personnelles à la Nicodim Gallery de Bucarest, à la Galerie Edouard Manet de Genevilliers (2024) et à la National Gallery d’Harare (2023). Moffat Takadiwa use de matériaux épars récoltés à Harare avec l’aide de nombreux collaborateurs. Il bâtit une communauté artistique et envisage sa pratique d’un point de vue artisanal et artistique. Les rebuts de plastique sont glanés, triés, nettoyés, classés par couleurs et assemblés. Reliés par des fils, les touches de claviers d’ordinateurs, les brosses à dent ou les bouchons forment des constellations parfois monumentales qui révèlent des formes picturales a priori abstraites : « Je parle aussi du langage, et plus précisément de l’extinction des langues au Zimbabwe. Le shona, par exemple, est une construction coloniale née de l’amalgame ou, si l’on veut, du tissage de cinq langues indigènes. En reliant des touches de clavier, je construis mon propre langage et je peux raconter des histoires multiples. ». Selon la distance qui nous sépare des sculptures, on voit apparaître des images familières : étendards, drapeaux, tantôt étoffes, parures ou diadèmes. L’omniprésence du plastique industriel issu des flux multinationaux est sublimée par le rythme des couleurs et le relief sculptural. Par l’agencement de fragments banals et quotidiens, l’artiste rend hommage aux zimbabwéens et raconte les désastres de l’occupation coloniale : « Mon pays est victime d’une gueule de bois postcoloniale. Je cherche à aborder cette question à travers les déchets du quotidien, reflets de la société et des peuples du Zimbabwe – même si la plupart des résidus que j’utilise viennent, à l’origine, de produits occidentaux. ».

Les sculptures murales de Moffat Takadiwa s’inspirent d’objets culturels issus des peuples du Hurungwe, territoire dont il est originaire. Fast Track Land Reform (a) réunit des bouchons de bouteilles et des têtes de brosse à dent en plastique, restes d’une consommation rapide et éphémère qui vient grossir les amoncellements de détritus dans les décharges. La forme verte arrondie rappelle celle d’une tapisserie. Les objets figés s’animent en plusieurs ramifications de couleurs, jusqu’à créer une forme souple et anthropomorphique. Un aspect à la fois mémoriel et majestueux s’en dégage. Issue du réemploi, l’œuvre revisite l’Histoire du continent africain. Le titre fait allusion à la réforme agraire autour de la redistribution des terres agricoles et la pénurie de terrains (sujet polémique déjà abordé par l’artiste qui grandit près de fermes commerciales appartenant à des Blancs). La couleur verte suggère les vues topographiques des champs de tabac, paysages rationalisés de l’ère coloniale. Moffat Takadiwa évoque l’attachement des pays africains à une certaine idée de la modernité associée à l’Occident. Il montre comment la culture zimbabwéenne est encore affectée par le commerce des objets de consommation : « La terre est une source majeure de conflits politiques en Afrique depuis la colonisation. Mes œuvres d'art sont créées à partir des déchets et des rebuts de la vie quotidienne, qui nous rapprochent de la rémanence du colonialisme et de l'impact que représentent les matériaux jetés dans la vie quotidienne des gens. »

Élise Girardot, septembre 2024


 

bottom of page