top of page

Lina Jabbour
Collection Frac Occitanie Montpellier

[NOTICE ŒUVRE]

Tempête orange, 2013
et Études de tapis, 2015
 

Née en 1973 à Beyrouth, l’artiste vit et travaille a Marseille et enseigne le dessin et la peinture a l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole. Progressivement, son travail glisse d’un discours identitaire politisé à un propos plus onirique, où le regard sensible est omniprésent. Dans un temps suspendu, c’est tantôt par les représentations de paysages, tantôt par les abstractions que Lina Jabbour développe des considérations sur la matière, la couleur et la trame tout à la fois.

Trois dessins réalisés aux crayons de couleurs composent le triptyque Tempête orange. L’œuvre évoque un mirage, une succession d’images enfouies dans une tempête de sable survenue peut-être dans une ville d’un pays chaud. L’artiste déploie en filigranes une errance physique et mentale dans un contexte urbain et ordinaire. Pour chacun des trois dessins, le sous-titre indique simplement ce qui est observé : « La voiture », « Le monochrome », « Les palmiers ». La tonalité orange prédomine et recouvre la surface du papier Arches imprégné par le souffle du vent. À trois reprises, les motifs évanescents sont balayés et placés en retrait, dans un effet de superposition composé par les strates dessinées au crayon de couleur. Par ce geste, Lina Jabbour trouble l’arrière-plan et articule des zones de profondeur. Le cadrage révèle des contours : on devine des formes et des fragments de récits, comme une énigme à élucider. Dans le premier dessin, le faisceau de lumière des phares d’une voiture traverse la scène. Des lignes se répondent : celles de la route, du lampadaire et des contours des voitures. La forme choisie résonne avec le contenu, puisque la technique employée par l’artiste induit le mouvement du vent, en écho à celui des voitures ou des palmiers. Le triptyque suggère tour à tour un effacement, une disparition ou la trace d’un souvenir. L’artiste réalise ces dessins pour une exposition personnelle au VOG à Fontaine en 2013. Elle cherchait en parallèle des images d’essais nucléaires pour une autre série intitulée Castle Bravo : « Cela faisait quelques temps que je voulais faire quelque chose autour de ça, sans montrer le champignon, ce qui m’intéressait était le souffle et la disparition. Alors je suis tombée sur une vidéo d’un essai nucléaire américain dans les atolls et la lumière de cette vidéo était aussi orange que mes dessins. [...] Il y a une certaine gravité, ou mélancolie, quant à la disparition du motif, de l’image, de l’environnement dans ces deux séries de dessin générés par deux phénomènes très différents, deux souffles, l’un naturel et l’autre créé par l’homme ».

Les dessins, peintures, installations, sculptures et vidéos de Lina Jabbour lient une réflexion sur l’identité et la migration à des références au voyage. La mémoire jalonne les œuvres de l’artiste, comme dans Études de tapis, une série de dessins qui rappelle les tapis perses. Réalisées à partir d’images glanées (kilims, tapis berbères ou tapis Art-Déco), les trames sont retravaillées sur ordinateur. L’artiste inverse les tonalités et accentue les contrastes. Elle imprime ensuite ces modèles, dessine le quadrillage à la mine noire d’un côté puis utilise le crayon de couleur de l’autre côté du calque. Lina Jabbour déroule le motif progressivement, telle une tisserande. Le camaïeu évoque la tonalité d’une radiographie, comme si l’on pénétrait à l’intérieur de la trame constitutive du tapis. Selon l’artiste, l’objet fait référence à l’histoire du tapis comme premier procédé de reproductibilité d’une image. On retrouve à nouveau l’évocation du souvenir réapparu dans cette série réalisée en 2015. Par la pratique du dessin, Lina Jabbour tente de retranscrire une vision furtive et personnelle, une sensation quasi insaisissable comme celles qui ponctuent nos déambulations quotidiennes.

 

Élise Girardot, mars 2019

Frac Occitanie Montpellier

bottom of page