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Daniel Otero Torres
Collection Frac Alsace
[NOTICE ŒUVRE]

Chien sans maître

Sous-titre : El Barbas, El Doblado, El Aretes, 2020
Sculpture
Graphite sur acier découpé, brique
45 x 74 x 13 cm

Sous-titre : Palma, Lámparas, Mango, 2020
Graphite sur acier découpé, bloc de bois, bidon en plastique
70 x 50 x 60 cm

Sous-titre : Gioconda, Ninja, Bamboo, 2020
Graphite sur acier découpé, brique, carreau de ciment
54 x 66 x 42 cm



Diplômé de l’École des beaux-arts de Lyon, Daniel Otero Torres est né en Colombie et vit à Paris depuis 2011. Ses œuvres ont été présentées à la Biennale de Venise en 2024, à la Biennale de Lyon en 2022, au Palais de Tokyo en 2021. Plusieurs expositions monographiques lui ont été consacrées, au Drawing Lab à Paris, à The Pill à Istanbul et au Mrac Occitanie. À la lisière entre le dessin et la sculpture, il travaille à partir d’archives, de livres anciens ou d’images de presse et conçoit des papiers peints, des installations sculpturales et dessinées. Nourri d’anthropologie et d’allers-retours entre la France la Colombie, l’artiste s’intéresse aux tentatives de résistance. Il étudie les communautés marginalisées, comme les peuples indigènes impactés la déforestation ou l’évolution de la végétation et des architectures invasives sur les terrains des bidonvilles de Bogota. À partir de souvenirs intimes et de récits collectifs, sa démarche explore les liens entre le sacré et le profane, et l’impact de la mondialisation sur les cultures vernaculaires. Il relie par exemple les légendes précolombiennes aux événements contemporains. Ses œuvres s’inspirent de luttes, de revendications politiques et sociétales.

Trois chiens grandeur nature sont adossés à une brique, un carreau de ciment ou un bidon en plastique : autant d’objets délaissés au cœur des mégapoles colombiennes ou mexicaines. Daniel Otero Torres dessine au graphite sur de l’acier inoxydable découpé. Le réalisme du dessin et l’échelle de la sculpture créent un trompe-l’œil. Le graphite est déposé trait après trait, la surface s’emplit de hachures sombres, l’image rappelle une archive. Les chiens sont allongés, en attente, ils nous fixent, comme s’ils surveillaient l’espace d’exposition. Leurs meutes sont omniprésentes en Amérique du Sud, où ces micro-sociétés fonctionnent selon leurs règles propres. Nourris par les habitants qui leur donnent de multiples noms (comme les sous-titres de l’œuvre l’indiquent), ils sont tantôt des compagnons, des gardiens protecteurs ou des présences inquiétantes. Dans la mythologie grecque, le chien peut être relié à la mort, comme Cerbère, gardien des Enfers. Chez les Aztèques et les Mayas, il était un compagnon précieux, un soutien au travail. Le dieu aztèque Xolotl, représenté sous la forme d'un chien, était le dieu du feu, de la lumière et de la mort. Le chien est tantôt un être vivant délaissé, tantôt un animal sacré. L’artiste observe les chiens errants lors d’un voyage à Istanbul, où ils circulent librement et font l’objet d’une attention particulière, appartenant à tous et personne à la fois. Leur marginalité permet de tisser une narration alternative : les sculptures à caractère totémique sont une métaphore de l’oisiveté, de la liberté et de l’indépendance. En grec, le mot « chien » partage la même racine avec le mot « cynisme » (« kynismós » et « kyon »). Dans l’Antiquité, le cynisme renvoyait au mode de vie des cyniques de l’école philosophique, pour lesquels l'absence de besoin était centrale, une autre caractéristique des chiens errants livrés à eux-mêmes. Le titre de l’œuvre, Chien sans maître, fait aussi référence à l’étymologie du mot anarchie, dérivé du grec « ἀναρχία » (« anarkhia »), composé du préfixe an- (« sans ») et du mot arkhê (« principe », « pouvoir », « commandement »). Daniel Otero Torres propose une réflexion critique sur la place du regard dans nos cultures occidentales. Il nous invite à reconsidérer la figure de l’étranger et de l’altérité.

Élise Girardot, septembre 2024

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