Chronique d’une conversation en voyage #10
Bruxelles
15.10.2018
« I play the troublemaker » : le slogan publicitaire apparaît comme une évidence. La façade autoritaire du Théâtre Royal de La Monnaie nous surplombe. En face, j’observe une enfilade de bâtiments ternes, de centres commerciaux et de banques. Le camion coloré se pose joyeusement sur la Place de La Monnaie, au centre de la capitale belge.
" – Alors ?
– Ça change, un homme qui porte le voile. On est pas habitués à ça. Peut-être qu’il en avait juste envie.
– L’artiste veut dire que les hommes doivent se mettre à la place des femmes, c’est ça ?
– Attends, regarde ce qu’il fait !
(…) Silence (…)
– Je ne vois pas pourquoi un garçon ne pourrait pas porter un voile… Les femmes, toujours les femmes ! Pourquoi toujours nous ?! Il n’y a peut-être pas que les femmes qui doivent cacher leurs cheveux et leurs sourcils.
(…) Silences et hésitations (…)
– Peut-être qu’il veut dire que les femmes se sentent étouffées derrière le foulard.
– Oui, et d’abord, beaucoup de femmes se plaignent car elles ne savent pas pourquoi elles sont obligées de mettre le foulard. Il y en a qui ne savent même pas ce que ça veut dire.
– Il y a des parents qui les obligent.
– Parfois des filles le retirent dans la rue et le remettent quand elles arrivent chez elles.
(…) Odeur de frites belges (…)
– Le foulard symbolise la paix. C’est ce qu’il y a l’intérieur qui compte. Pas l’extérieur.
– Et vous, les hommes, pourquoi ne pas vous imposer de porter un chapeau ? Hein, Sheikir ?
– Oui, mais chez nous, la femme doit se faire belle uniquement pour son mari.
– En tout cas, l’artiste montre que ça dérange certaines femmes de mettre le voile. "
Trois adolescents bruxellois observent en boucle la vidéo Déshabillez-moi de Mehdi-Georges Lahlou. 3 minutes et 36 secondes, encore et encore. À l’image, l’artiste se voile et se dévoile, répétant le geste avec assurance. Il fixe d’un regard neutre Maryam, Chaimae et Sheikir.