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Myriam Mihindou. Dechoucaj’3, 2004. Photographie, 80 x 65,5 cm.

Chronique d’une œuvre en voyage #3

 

Arnac-la-Poste > Bourges > Haïti

12.10.2018

Entendez-vous crier un poème ? Une incantation surgit du camion de l’exposition Décoloniser les corps. Un homme affaibli semble ébloui par la lumière qui sort de lui-même. Myriam Mihindou, née en 1964 à Libreville au Gabon, crée au gré de son nomadisme, dans une dimension trans-culturelle.

Vendredi matin, le camion recouvert d’une peau de pixels quittait la Haute-Vienne pour entamer un périple qui le mènera bientôt jusqu’à Berlin. Arnac-la-Poste se trouve au carrefour de plusieurs départements, un passage transitoire. Ancien relai de poste, le lieu-dit accueille le siège social de l’association art nOmad qui porte le projet de la Biennale. Au détour des villes, les œuvres de l’exposition sont déballées, accrochées, ajustées, parfois allumées. Ce rituel suit un protocole précis, un scénario minutieusement déroulé.

Chaque jour, le portrait de l’homme haïtien regagne l’obscurité de la nuit. Lorsqu’il refait surface, libéré du papier bulle qui l’habille et le protège, le même regard figé dans le temps apparaît. L’homme nous fait face, peut-être nous affronte t-il ? Sa solitude nous évoque la nôtre. Homme en négatif, homme noir-blanc, ses pupilles translucides semblent exorciser une émotion. Les paumes ouvertes écartent de longs doigts dirigés les uns vers les autres. Quel est le talisman qui flotte entre ces mains ?

La photographie de Myriam Mihindou retranscrit une expérience chamanique. Lors d’une résidence en Haïti, l’artiste observe les troubles qui traversent le pays. Le 29 février 2004, le président Aristide quittait Haïti à bord d’un avion américain. Peu après sa destitution, les forces militaires sèment la peur parmi les habitants. Certains s’adonnent à des rituels, parfois dans l’espace public. Sous les yeux de l’artiste, des groupes d’hommes avancent et exultent des poèmes. Leurs regards insondables sont saisis par l’effroi.

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